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Les tribulations de kasbonbon

À boire et à manger

Critique - Esperanza Spalding: Radio music society (universal)

Critique - Esperanza Spalding: Radio music society (universal)

Aujourd'hui j'attaque un album qui fêtera bientôt son anniversaire mais qui, de mon humble avis, mérite sa place en haut de ce qui s'est fait de mieux lors de l'année de la fin du monde. Je vais aussi pouvoir un peu parler de son auteur que j'affectionne particulièrement.

Pour présenter un peu la génitrice de ce joyau, il faut un peu éventer le phénomène qui l'entoure. Il y a en effet une particularité propre aux années 2000, c'est la fulgurance avec laquelle le monde des médias et du spectacle s'empare de la nouveauté.

Il en est de même dans le monde du jazz (incluez-y tous ses dérivés pour en obtenir le plus grand spectre), depuis dix ans nombreuses sont les chanteuses "à voix jazz" -par opposition aux chanteuses à voix bovines- à avoir tapé dans l'œil de ces gens du métier qui adoubent à tour de récompenses.

Un jolie collection plus ou moins heureuse de Norah Jones, Katie Melua, Melody Gardot, Gretchen Parlato et dans une certaine mesure Diana Krall .

Certes ce sont des artistes accomplies et qui nous ont sorti des albums de grande qualité, mais malgré tout ce qui les sépare (mon florilège est quand même assez ouvert) elles ont un point commun: leur "génie" proclammé. Oui le mot est bien là, ce qualificatif complètement galvaudé par une société en mal de culture et de références.

Dans le cas précis d'Esperanza spalding, je pense que le terme de "génie" s'acoquine de manière beaucoup plus légitime avec son patronyme.

Jeune fille délicieuse, elle a mit tout le gratin de la production jazz/soul à ses pieds (Shorter, Prince, Hancock, Goldstein…). On pourrait facilement la qualifier de phénomène de foire de l'année quand on la voit tenir sa contrebasse qui doit faire deux fois sa taille. Il y a quelque chose de charmant dans ce cliché de la jeune fille volontaire qui veut se frotter à la légende. À ce jour plus jeune prof ayant exercé à la Berkley school of music, contrebassiste et chanteuse hors-pair, elle a réussi l’exploit surhumain de coiffer au poteau pour le grammy award de révélation de l’année 2011, l’ambulance sur laquelle tout le monde adore tirer, j’ai nommé Justin "Franck Provost" Bieber ! (Cela prouve au moins que parfois les lois de Darwin sont plus fortes que la logique de Youtube)

Mais revenons un peu à ce qui nous intéresse ici, la musique. Différent de son précédent album Chamber music society, RMS (pour les intimes) est un ensemble complexe de sons empruntés à toute la musique dite "noire" de ces quarante dernières années. Là où beaucoup d’artistes pourraient tomber dans l’hommage facile, dans la ritournelle funk modernisée version Ipod, Esperanza ne fait aucune concessions à l’oreille (et ce même dans les judicieuses reprises de Endangered species de Wayne shorter et I can’t help it de Michael Jackson/stevie Wonder).

Radio song, la plage d’ouverture de l’album, donne le ton. Du groove, du cuivre façon big band, de la dissonance, de la folie et de la diversité, mais tout ceci chevillé dans un mur d’efficacité et de précision. Même les titres lorgnant vers les produits mainstream comme Black gold, font passer la production R’n B de ces dernières années pour de la musique vulgaire. La voix de cette enchanteresse se permet des écarts de note impressionnants, tout en sachant qu’elle se paye le luxe de jouer en même temps des lignes de basse à mettre à genou le candide instrumentiste le plus vaillant.

On sent vraiment qu'elle a assimilé toute la palette de ce jazz fusion dont Miles Davis était un des pionniers (avec entre autres Bitches brew), on pense à Wayne shorter, Weather report et Herbie Hancock sans avoir honte de coller des noms aussi prestigieux à sa musique.

Je pense vraiment que cet album prouve définitivement à ceux qui croyaient à un effet de mode, qu’Esperanza Spalding est un être rare dont il ne sort qu’un exemplaire toutes les deux générations. Ses compétences musicales, sa maîtrise de la scène (il faut la voir invectiver ses musiciens via scat en plein live quand ils se la jouent "petit bras") et ses talents de compositeur lui permettent d’entrevoir une carrière des plus flatteuses.

Il est évident qu’une première écoute de ce Radio Music Society peut vite perdre l’auditeur tant il foisonne de changements de rythmes, de styles (Cinnamon tree et Hold on me) mais pour peu que l’on en "comprenne" le fonctionnement, cette œuvre récompense son auditeur et le hante indéfiniment.

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